Les objectifs d'émissions de CO2 des GAFAM dérapent en raison de la course à l'IA.

Neutralité carbone, annulation des émissions historiques de l'entreprise : les objectifs des géants du numérique à l'horizon 2030 et 2050 sont particulièrement ambitieux. C'est sans compter sur le (très) gros grain de sable qu'est l'IA générative.

Les géants de la tech affichent tous les plans environnementaux ambitieux, visant pour certains, comme Microsoft ou Google, la neutralité carbone à horizon 2030. Mais ces objectifs se retrouvent bousculés par l'essor de l'IA générative. En effet, le boom de cette technologie ces derniers mois implique toujours plus de puissance de calcul disponible, donc une sollicitation toujours plus importante des data centers et la nécessité d'en construire de nouveaux pour répondre à ce besoin.

Les data centers, quels impacts ? 

Concernant ces data centers, revenons tout d'abord sur deux indicateurs intéressants à garder à l'esprit : le PUE et le WUE.

Le PUE, pour Power Usage Effectiveness, est un indicateur qui mesure la qualité d'énergie consommée par l'ensemble du data center par rapport à la quantité d'énergie consommée par les équipements informatiques du date center. Un PUE proche de 1 signifie donc que l'essentiel de l'énergie consommée dans le data center sert à alimenter les équipements informatiques (et non de multiples équipements de refroidissement par exemple). En 2020, le PUE moyen était de 1.6.

Le WUE, pour Water Usage Effectiveness, est un indicateur qui évalue la consommation d'eau d'un centre de donnée en la divisant par l'unité d'énergie produite ou traitée. Il n'a de valeur qu'en combinaison avec le PUE, pour vérifier l'efficacité de l'utilisation de l'eau. Un WUE bas indique une utilisation efficace de l'eau. Encore assez peu utilisé, on manque aujourd'hui d'éléments de comparaison.

Même si ces nouveaux data centers affichent de très bons PUE (1,12 chez Microsoft, 1,1 chez Google) et sont donc plus efficaces que les précédents, ils nécessitent néanmoins des bâtiments, du matériel et donc des ressources pour les fabriquer, et consomment des volumes d'énergie et d'eau additionnels. 

Des émissions de GES qui dérivent de l'objectif 

Le 2 juillet dernier, Google a publié son rapport environnemental 2024. Ses émissions annuelles de gaz à effet de serre (GES) ont progressé de 13% en 2023 par rapport à 2022, et de 48% depuis 2019.

Chez Google, les émissions de GES se répartissent comme suit : 

  • Scope 1 (émissions directes liées à la consommation d'énergies fossiles) : 1%
  • Scope 2 (émissions indirectes liées à la consommation d'électricité ou de chauffage) : 24%
  • Scope 3 (émissions indirectes échappant au contrôle direct de l'entreprise (amont ou aval) : 75%

Le dérapage provient d'une part de l'augmentation du scope 2 de 37% sur un an, et d'autre part d'une augmentation de 8% du scope 3 (du fait notamment des infrastructures et du matériel).

En mai, c'était Microsoft qui avait publié son rapport environnemental 2024. Avec des émissions provenant quasi exclusivement (96.5%) de son scope 3, ses émissions annuelles ont augmenté de 29% par rapport à l'année référence de 2020, et alors même que l'année 2022 avait marqué une baisse de 0.5% par rapport à 2021

Les investissements dans de nouvelles infrastructures pour supporter la croissance de l'IA générative (comme Microsoft et ses investissements de 4Mds d'euros en France annoncé à Choose France 2024) et de ses usages éloignent donc ces entreprises bien loin de leurs objectifs de neutralité carbone.

Et une consommation d'eau pas plus maîtrisée 

En parallèle des émissions de GES, les deux rapports font également état de consommation d'eau en grande évolution. En 2023, c'est une consommation en hausse de 17% par rapport à 2022 pour Google (à 23 millions de mètres cubes) et en hausse de 22% pour Microsoft (à 7.8 millions de mètres cubes.) Des résultats qui sont là encore bien éloignés des objectifs que se sont fixés les deux entreprises pour 2030. 

A l'échelle mondiale, l'AIE (Agence internationale de l'énergie) a publié début 2024 un rapport d'analyse et différents scénarios à horizon 2026. Dans le scénario central, la consommation électrique des data centers atteindrait 800 TWh, contre 460 TWh en 2022, presque un doublement, avec deux technologies pointées du doigt : l'IA et les cryptomonnaies.

Concernant la première, ce sont les besoins exponentiels de l'IA générative qui inquiètent, notamment au regard des ventes et prévisions de ventes de Nvidia, le spécialiste des processeurs graphiques (GPU) très demandés pour les besoins de l'IA. Celles-ci ont littéralement explosé en 2023, et les prévisions pour 2026 sont une multiplication par 10 des volumes de 2023.

Mais peut-on vraiment se le permettre ?