L'intelligence artificielle peut-elle faciliter la transition écologique de l'industrie ?

En cette fin d’année 2024, l’IA est omniprésente et son coût environnemental commence à inquiéter. Pour autant, pourrait-elle être un levier permettant de réduire l’impact environnemental de l’industrie ? Retour sur la table ronde Look’up de BPI France le 10 juillet dernier qui a tenté de répondre à cette question.

Mettre en balance les bénéfices humains et environnementaux espérés par rapport aux impacts négatifs, c’est un axe majeur du numérique responsable. Ce qui n’est que trop peu fait concernant l’intelligence artificielle pour le moment. BPI France Le Hub proposait justement une table ronde qui allait dans ce sens le 10 juillet dernier, en posant la question suivante : “L’IA pour une industrie verte ?”

Autour de la table, plusieurs intervenants avec des expertises croisées dans l'industrie et dans l'intelligence artificielle : 

  • François-Xavier de Thieulloy - Directeur pôle Expertise Bpifrance
  • Théo Alves Da Costa - Co-Président de Data For Good
  • Emmanuelle Ledoux - Directrice générale de l'Institut National de l’Économie Circulaire 
  • Cédric Faucheux - Co-fondateur de NRJX
  • Denis Coutrot - Responsable données & IA de GetLink
  • Isabelle Hilali - Fondatrice de Datacraft

Un usage peu sobre de l'IA 

Après avoir rappelé les impacts environnementaux liés à un outil comme ChatGPT, lors de son entraînement mais également lors de son utilisation (une requête nécessite jusqu’à 10 fois plus de puissance qu’une recherche sur Google), il a été souligné que la grosse problématique actuelle était principalement l’usage que nous faisons de l’intelligence artificielle : on compterait aujourd’hui plus de 100 millions d’utilisateurs de ChatGPT, qui s’appuie sur un énorme modèle pouvant répondre à de nombreux cas d’usages, mais avec un coût énergétique et  environnemental élevé.

Combiner IA et frugalité, c'est possible 

Or, les intervenants soulignent qu’il est possible de créer des algorithmes d’intelligence artificielle très frugaux, dès lors qu’ils traitent un problème précis, qu’il s’agisse de collecter, prédire, simuler, optimiser, estimer ou analyser. C’est le cas par exemple de la société DeepHawk qui propose un contrôle qualité par image : sur des serveurs locaux, le modèle apprend à reconnaître les défauts d’une pièce sur la base d’un échantillon d’une cinquantaine de photos. Pas d'entraînement sur des dizaines de millions de pages internet dans ce cas, et donc un impact environnemental limité, en répondant avec efficacité au besoin.

Les intervenants ont ensuite expliqué que l’intelligence artificielle pouvait se révéler très utile pour affiner la demande et ainsi ajuster la production et la distribution. L’entreprise Patagonia a ainsi eu recours à l’IA pour analyser les retours consommateurs et ainsi travailler sur le sujet de la réparation : elle a réussi à multiplier par 2,5 la durée de vie de ses produits, en évitant ainsi la production de centaines de milliers d’articles.

Plusieurs autres exemples ont été cités, comme l’aide à la recherche de nouveaux matériaux pour la conception industrielle, en remplacement d’ingrédients problématiques pour la santé et l’environnement, ou encore l’aide à l’optimisation de chaînes logistiques.

On peut d’ailleurs retrouver quelques exemples complémentaires dans le rapport de l’ADEME intitulé “Intelligence artificielle pour la transition énergétique intégrée”.

L'IA oui, mais pour quelle finalité ?

En conclusion, Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’Institut national de l’économie circulaire, rappelle que l’IA est le nouveau sujet à la mode, présent dans tous les appels d’offres. La question est de savoir si on met cette technologie au service d’un changement de modèle : comment arrête-t-on d’extraire pour jeter ? Appliqué à l’industrie, le modèle circulaire demande une meilleure compréhension des flux de production et des gisements, ce à quoi l’IA pourrait effectivement nous aider.


Et alors que le marché de l’IA connaît une croissance fulgurante en France, portée par une stratégie nationale, à 2,5 milliards d’euros, comptant 600 startups qui ont levé 3,2 milliards d’euros, le constat est que le tissu industriel des PME ne se saisit pas réellement du sujet : 99% de leurs dirigeants déclarent ne pas avoir recours à l’IA, ou très peu. L’enjeu est donc d’accompagner les entreprises industrielles dans leur prise en main de l’IA, par de la formation, du financement ou de la mise en relation.