L’impact environnemental de l’IA est-il vraiment négatif ? Entre promesse de réduction des impacts négatifs des autres secteurs d’activité d’un côté et effets rebonds de l’autre, est-il justifié de s’en inquiéter ?
On quantifie aujourd’hui assez mal la part des impacts environnementaux du numérique dont l’Intelligence artificielle est responsable.
Pour les émissions de gaz à effet de serre (GES) par exemple, selon la dernière étude de l’association GreenIT, l’IA représentait en 2023 plus de 4% des émissions du numérique. 4% des 3,4% des émissions de GES que représente le numérique selon l’étude, soit à peine plus de 0,1% des émissions mondiales de GES. En s’arrêtant à ce niveau on pourrait donc se dire que l’IA n’engendre pas d’impacts environnementaux si significatifs.
Il s’agirait d’un raccourci particulièrement faux pour plusieurs raisons :
- Les enjeux environnementaux ne se limitent pas aux émissions de gaz à effet de serre (l’étude GreenIt analyse par exemple 7 indicateurs environnementaux différents sur lesquels le numérique a un impact)
- Il faut également prendre en compte l’évolution actuelle et à venir du secteur notamment sous l’influence de l’IA : la consommation électrique des centres de données aux Etats-Unis a plus que doublé entre 2017 et 2023, et on estime qu’elle pourrait à nouveau doubler d’ici à 2030 selon une étude du Berkeley Lab sur les centres de données aux Etats-Unis
- Enfin il ne faut pas omettre les effets rebonds et impacts indirects qu’engendre l’IA.
En effet, l’IA contribue de façon essentielle à développer tous les autres domaines dans une logique systémique. On pourrait être tenté d’avancer que l’IA va permettre de réduire drastiquement les impacts environnementaux des autres domaines, ce qui amortira largement son propre coût environnemental.
Selon une étude 2025 de l’Agence Internationale de l’énergie sur l’IA et le changement climatique, l’IA pourrait contribuer à réduire de 1400 Mégatonnes de CO2eq les émissions des autres secteurs (à condition qu’un cadre réglementaire fort soit mis en place), pour des émissions associées des centres de données de l’ordre de 500 Mégatonnes. Ce qui correspondrait à une réduction nette de moins de 3% des émissions mondiales de GES. En prenant en compte les effets rebond, les réductions espérées pourraient être complètement annulées.
Pour rappel, un effet rebond peut être direct, appelé aussi paradoxe de Jevons, quand une amélioration d’efficacité énergétique entraîne une augmentation des usages (par le nombre d’utilisateurs ou l’intensité de l’usage) qui annule le gain d’efficacité énergétique initial, totalement ou partiellement. Il peut aussi être indirect, lorsque les gains obtenus dans un domaine sont réinvestis dans un autre domaine.
L’agence internationale de l’énergie cite notamment quatre effets rebonds potentiels :
- La baisse des prix du pétrole et du gaz (liée à l’utilisation de l’IA dans l’industrie pétrolière et gazière notamment pour l’exploration) pourrait directement entraîner une demande accrue et, par conséquent, des émissions plus élevées ;
- l’essor des véhicules autonomes pourrait déclencher des transferts modaux au détriment des transports en commun ;
- l’inférence (l’usage des fameux prompts) moins coûteuse des modèles d’IA génératifs pourrait conduire à une utilisation nettement plus importante dans la vie quotidienne ;
- la prolifération des robots pourrait également entraîner une hausse de la demande énergétique (et de la demande en ressources)
Pour éviter l’écueil de ces effets rebond, il est pleinement nécessaire de questionner son projet à l’aide d’un référentiel tel que le référentiel IA éthique et responsable de l’INR ou la spec ou le référentiel général pour l’IA frugale de l’AFNOR.